La gestion en flux des réservations de logements locatifs sociaux

La loi ELAN rend obligatoire la gestion en flux des réservations alors que les zones tendues (IDF en tête) continuaient de privilégier jusqu’alors une gestion en stock des réservations. La loi 3DS fixe l’obligation de la conversion de l’ensemble des conventions contractées en stock en flux au plus tard le 24 novembre 2023. La gestion en flux place le bailleur en position de responsable de l’allocation des logements aux réservataires. Une convention de réservation entre chaque bailleur et chaque réservataire, à l’échelle du département (ou de la commune lorsque le réservataire est la commune) doit être signée. A défaut de signature avant le 24 novembre 2023, le flux des attributions de logements des réservataires avec lesquelles une nouvelle convention n’a pas été conclue relèvera du préfet. Le taux dont bénéficie le préfet s’établit à 30 % au plus du flux annuel. Il lui est demandé de tendre vers ce chiffre lors de la préparation des conventions de réservation entre l’Etat et chaque bailleur.

Le cadre légal et réglementaire

Avec la loi ELAN, la gestion en flux devient obligatoire et remplace partout la gestion en stock, à l’exception des logements dédiés aux services relevant de la défense nationale ou de la sécurité intérieure ainsi que des établissements publics de santé qui portent sur des logements identifiés dans des programmes.

Le décret du 20 février 2020 relatif à la gestion en flux des réservations de logements locatifs sociaux et l’instruction du Gouvernement du 28 mars 2022 relative à la mise en œuvre de la cotation de la demande de logement social et de la gestion en flux des réservations de logements sociaux précisent les modalités de mise en œuvre : échelle de la convention de réservation, calcul du flux, logements soustraits du flux, taux du préfet, bilans, etc.

Gestion en stock et gestion en flux

La gestion en stock consiste à identifier, avant la livraison d’un programme, des logements qui, lorsqu’ils sont livrés ou libérés, sont mis à la disposition du réservataire afin qu’il puisse proposer des candidats. Un même logement est ainsi automatiquement fléché vers le même réservataire à chaque vacance. Or le logement libéré peut ne pas répondre à la demande de logement du fait de sa localisation, de sa typologie, de son loyer, alors qu’il aurait pu répondre à une demande émanant d’un autre réservataire. Avec la gestion en stock, l’offre disponible pour un réservataire est tributaire de l’historique des programmes, ce qui constitue une rigidité, freinant notamment la mobilité résidentielle au sein du parc social.

A l’été 2022, 399 conventions sont en gestion en flux pour le contingent préfectoral pour 822 conventions préfectorales. Elles s’accompagnent dans la très grande majorité des cas d’une gestion déléguée du contingent « préfectoral » au bailleur.

La gestion en flux vise à apporter plus de souplesse et de fluidité dans la gestion du parc social :
- optimiser l’allocation des logements disponibles à la demande exprimée ;
- faciliter la mobilité résidentielle ;

Le bailleur, responsable de l’allocation des logements et des équilibres de peuplement

La gestion en flux donne au bailleur l’ensemble des leviers pour décider de l’allocation des logements à un réservataire. Le bailleur qui a la connaissance de l’occupation sociale de son parc est en mesure, à chaque libération de logement, de prendre en compte le contexte, d’orienter le logement vers le réservataire dont le public de demandeur lui parait le plus adapté. Il est le mieux à même de rechercher les équilibres de peuplement tout en veillant à permettre à chaque réservataire de remplir ses obligations légales en faveur des ménages prioritaires.

Une convention entre chaque bailleur et réservataire à l’échelle du département

Les conventions de réservation sont signées entre chaque bailleur et chaque réservataire à l’échelle du département. Des exceptions sont prévues pour descendre à l’échelle infra-départementale pour répondre aux besoins locaux de certains publics liés au lieu de travail, aux contraintes professionnelles en terme d’horaires et d’accès aux transports publics (centre de tri, centre de maintenance, dépôt pour une entreprise de transport, hôpital, etc.), sans pouvoir descendre au programme. Pour les collectivités, les conventions et les droits attachés s’exercent sur leur territoire de compétence.

Calcul des taux

Le flux annuel au bénéfice du préfet s’établit à 30 % au plus du flux annuel total de chaque organisme ayant du patrimoine sur le département, dont au plus 5 % au bénéfice des agents civils et militaires de l’État. Par principe, ce taux est le même sur chaque commune et, afin de garantir l’objectif de mixité sociale, la part hors QPV ne peut être inférieure à 30 %. Exemple : une année donnée, 100 logements d’un bailleur se libèrent sur un département. Le préfet aura la possibilité de positionner des ménages à 30 reprises.

Le flux annuel au bénéfice des collectivités territoriales s’établit à 20 %, en contrepartie de la garantie financière des emprunts.

Un flux additionnel peut être obtenu en contrepartie d’un apport de terrain ou d’un financement.

Pour les autres réservataires, le flux annuel de logement est calculé en principe en fonction du nombre de logements identifiés dans des programmes, rapporté au nombre total de logements au sein du patrimoine de l’organisme bailleur.

Des mesures de souplesse

Afin de donner de la souplesse aux bailleurs sociaux et leur permettre d’accroître le volume de logements proposables, le décret prévoit une exclusion du flux pour satisfaire : les demandes de mutations (y compris celles découlant d’une vente HLM), les relogements dans le cadre d’une opération ANRU ou ORCOD, ou encore en cas de police insalubrité.

A titre d’illustration, voici un exemple concret de calcul de l’assiette sur laquelle s’applique le flux annuel, soit :
A = le nombre de logements mis en location par un bailleur sur une année pour le patrimoine soumis à la gestion en flux, soit ici 1 000 logements
B = le nombre de logements exclus du flux (mutations, ANRU, ORCOD, police des bâtiments insalubres avec obligation de relogement, ventes) = 350
C = le flux annuel de logements à répartir entre les réservataires = A - B = 650 logements.

Le décret prévoit par ailleurs que le bailleur organise une concertation à l’occasion de la première mise en location d’un programme.

Des mesures de transparence

Avant la mise en conformité des conventions, l’ensemble des réservataires, ainsi que le président de l’EPCI/EPT/métropole sont informés simultanément par le bailleur de la localisation, du nombre et des typologies des logements conventionnés, réservataire par réservataire, sur le territoire du département. Toute convention doit être transmise par le bailleur au préfet ainsi qu’au président de l’EPCI ou au président de la métropole de Lyon ou au président de l’EPT de la métropole du Grand Paris ou au maire de Paris.
Pour les logements soustraits du flux (ANRU, ORCOD, mutations, etc.), une information en début d’année sur les logements retranchés, leur affectation prévisionnelle est donnée aux réservataires. Chaque année, avant le 28 février, le bailleur transmet aux réservataires le bilan détaillé des logements proposés et attribués. Un bilan annuel des attributions est par ailleurs présenté en commission d’attribution des logements et d’examen de l’occupation des logements.

Points de vigilance

L’ensemble des conventions contracté en stock doit être convertie en flux au plus tard le 24 novembre 2023, ce qui implique un travail important pour les bailleurs. Depuis le début de la réforme, des ateliers territoriaux regroupant services déconcentrés, EPCI, bailleurs, ARHLM ont été organisés dont la fréquence s’est accélérée ces derniers mois. Il s’avère que tous les acteurs sont mobilisés pour mettre en œuvre la réforme dans les délais.

Les conventions de réservations sont des documents contractuels entre les bailleurs et les réservataires, pour lesquels l’État n’intervient pas directement (hormis pour le contingent préfectoral). La réglementation ne prévoit qu’une transmission au préfet des conventions. En cas de report de signatures de nouvelles conventions, le risque est plus opérationnel que contentieux : toutes les conventions devant être conclues concomitamment, il ne peut y avoir de différence de traitement entre les réservataires. En revanche cela pourrait être compliqué pour le bailleur de gérer une partie croissante de gestion en flux (anciennes conventions déjà en flux et conventions sur programmes neufs) et une gestion en stock sur une partie de son parc.

Dans l’hypothèse où les conventions n’auraient pas été régularisées avant l’ensemble des réservataires avant le 24 novembre 2023, le décret du 20 février 2020 prévoit que les logements réservés en stock dans la convention existante à cette date s’ajoutent au flux annuel de logements réservé par le préfet, auquel revient donc le flux concerné.

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